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Chassez-le l’été !
Pourquoi ? Où ? Comment ?
Face à la recrudescence des dégâts agricoles occasionnés par les sangliers, le législateur a, depuis quelques années, sensiblement allongé les périodes de chasse de l’espèce. Tandis que pour la plupart de nos compatriotes les vacances estivales battent leur plein, certains chasseurs mettent à profit les mois d’été pour participer à l’effort de régulation, que ce soit en organisant des battues ou bien en s’adonnant aux chasses individuelles.
Par Sacha Herrero
Le sanglier est partout ! Il ne se passe d’ailleurs guère plus d’une journée sans qu’il ne fasse la une d’un quotidien régional ou qu’il ne s’affiche sur les réseaux sociaux. Ici, on le voit en centre-ville s’attaquer aux parterres fleuris, au milieu du va-et-vient incessant des véhicules. Le lendemain, il fait une apparition, tout aussi remarquée, sur une plage de Bretagne à côté de baigneurs pour le moins inquiétés par sa présence. Plus loin, telle une sorcière, il saccage le cœur d’une parcelle de maïs au plus grand dam de l’exploitant agricole. La bête noire, chère à Uderzo, ne cesse de proliférer dans notre Gaule du XXIème siècle, et conquiert désormais de nouveaux habitats qui ne ressemblent en rien à son milieu originel forestier. Les raisons de cette explosion démographique, et de ces modifications territoriales, sont multiples (lire notre dossier dans Sanglier Passion N°143), mais s’il ne fallait retenir que les principales, ce serait sans nul doute le côté omnivore de l’espèce et ses indéniables facultés d’adaptation. Malgré une pression de chasse automnale et hivernale toujours accrue, et des prélèvements annuels en hausse (plus de 800.000 lors de la saison 2019/2020), Sus scrofa continue à croître à un rythme défiant l’entendement. Aussi, nos instances ont elles, depuis quelques années, multiplié les mesures réglementaires visant à mieux contrôler les populations de suidés, en allongeant notamment les périodes de chasse. Désormais, dans nombre de nos départements métropolitains, la chasse du sanglier peut être pratiquée, sous différentes formes, jusqu’à 10 mois par an. A compter du 1er juin pour les tirs d’affût et d’approche, puis à partir du 15 août pour les battues, et ce jusqu’à la fermeture différée depuis peu au 31 mars. Notons que, de plus en plus de régions autorisent même, sous certaines conditions, à pratiquer la chasse collective de Sus scrofa dès le début juin.
Les cultures comme camps de vacances
Selon des sources émanant de la Fédération Nationale des Chasseurs, les surfaces de maïs détruites par l’espèce sanglier s’élevaient, au niveau national, à près de 14.000 hectares en 2019, soit plus de 35% des dégâts imputables à l’espèce. Force est de constater, en effet, que ces champs de poacées sont devenus des habitats de choix pour les suidés. L’été, les grands massifs domaniaux sont, plus que jamais, le terrain de jeu favori de nombreux vacanciers, randonneurs, joggeurs ou encore vététistes, avides d’activités de plein air. Dérangés de façon incessante, les sangliers n’ont d’autre choix que de déserter ces forêts, au profit d’immenses parcelles cultivées en périphérie, où ils ont la garantie de trouver des ressources alimentaires de qualité, ainsi que le couvert et la quiétude. En cette saison, leur préférence se tourne vers les champs de maïs dont les épis à l’état laiteux constituent une nourriture de premier choix. Les battues estivales s’organisent ainsi, le plus souvent, autour de ces grands parcellaires. D’aucuns prétendent que ces traques n’ont, sur certains secteurs, qu’une efficacité relative en termes de prélèvements. Ce n’est pas totalement faux. Mais au-delà du nombre d’animaux abattus, ces chasses collectives d’été ont pour objectif prioritaire de décantonner les sangliers des cultures, afin de les repousser si possible vers les bois, et les dissuader de revenir. Elles sont par conséquent un outil de gestion à ne pas négliger pour tenter de limiter les dégâts agricoles. Et, si les tableaux ne sont pas toujours à la hauteur des espérances des postés, l’explication relève sans nul doute de la complexité de la chasse dans un tel biotope, a fortiori en été.
Compliqué pour les chiens et les piqueux…
Le premier facteur à prendre en considération est certainement la chaleur. Exception faite des toutes premières heures de la journée, autant dire que les températures estivales sont ensuite peu propices pour courir derrière le sanglier, tant pour les auxiliaires que pour leurs conducteurs. « Les chiens sont vite dans le rouge », nous précise Benoît Lallemand, responsable d’un équipage de grands anglos créancés dans la voie unique de la bête noire, et fervent adepte de ces chasses de début de saison. « Rapidement, ils n’ont plus de jus et risquent d’être frappés de coups de chaleur, si la chasse s’intensifie et dure trop longtemps », poursuit-il. « Aussi est-il impératif, en juillet-août de découpler dès la pointe du jour et de ne pas insister dès lors que le mercure commence à grimper. Plus que jamais, il faut évidemment être en mesure d’abreuver nos auxiliaires à satiété pour éviter toute déshydratation pouvant entrainer de sérieux problèmes cardiaques. De toute façon, en cette saison, les voies du petit matin sont de loin les meilleures ». L’autre difficulté réside dans la nature du biotope lui-même. L’été venu, les tiges de maïs sont déjà hautes et riches en feuillage. Le milieu s’avère particulièrement serré et n’offre qu’une visibilité réduite. Il est du coup quasi impossible pour le maître d’équipage et ses assesseurs d’être au contact de leurs auxiliaires. « Pour chasser dans un environnement comme celui-ci, il est primordial de disposer d’excellents chiens d’ordre, créancés évidemment, et chassant en une meute homogène » ajoute l’expérimenté cynophile. « Ils doivent de plus faire preuve d’une extrême prudence, sans être trop mordants. Dans les maïs, la visibilité est nulle, et les fermes s’avèrent, du coup, particulièrement dangereux, tant pour nos courants que pour nous. La plupart du temps, c’est au dernier moment, quand il fonce sur vous, que vous voyez le sanglier. Enchevêtrés comme nous le sommes parmi la végétation, il n’est pas toujours facile de bondir rapidement de côté pour esquiver une charge. Même constat pour nos chiens. Cette situation n’est pas spécifique au maïs, nous rencontrons les mêmes difficultés lorsque nous découplons dans des champs de colza. Ces cultures, ne nous permettent donc pas, raisonnablement, de lâcher de jeunes chiens inexpérimentés. Nous préférons attendre les chasses automnales pour les initier au contact de leurs congénères ».
Tous les spécialistes vous le confirmeront, la nature du milieu joue aussi de façon indéniable sur le comportement de fuite du gibier pourchassé. Le sanglier discerne fort bien que le risque n’est pas sous le couvert, mais qu’il le guette à sa sortie de l’enceinte. Chassé aux chiens courants, il prend rapidement la mesure de ses poursuivants, et adapte sa vitesse sur celle de la meute. Au cœur de ces immenses parcelles de maïs, se croyant à juste titre à l’abri plus que nulle part ailleurs, notre Sus scrofa joue avec la végétation, multiplie les doubles et se fait battre « inlassablement » pour retarder un éventuel débucher, histoire d’épuiser ses poursuivants. Il profite de la même façon de l’épaisseur du rideau végétal pour longer discrètement les lignes, et mettre à profit ses qualités olfactives et auditives pour détecter ainsi la présence des postés.
Affûtez haut !
Par définition, l’affût est un mode de chasse qui se pratique à poste fixe et qui requiert, à la fois de la patience et un sens aigu de l’observation. S’il est évidemment possible d’affûter à même le sol, en utilisant la végétation comme abri de fortune, voire en installant un filet de camouflage, nous ne saurions trop vous conseiller que de prendre un minimum de hauteur. Qu’il s’agisse d’un mirador, ou d’un tree-stand pour les archers, la position surélevée présente en effet plusieurs avantages. Outre l’aspect sécuritaire d’une telle installation qui favorise les tirs fichants, cette situation spécifique est un gage de discrétion pour le chasseur. Elle lui évite au maximum d’être vu, entendu et surtout éventé par les sangliers. Par ailleurs, la présence continuelle de ce type de poste crée en quelque sorte un phénomène d’accoutumance pour les animaux. Même s’ils restent sur leur garde, leur vigilance à l’égard de cet élément artificiel finit, au fil du temps, par s’amoindrir et représente un avantage non négligeable pour le nemrod. Pour autant, il est préférable de recouvrir l’installation d’un camouflage approprié, à l’aide filets ou de branchages, afin que celle-ci donne réellement l’impression de se fondre dans le paysage. De la même façon, malgré sa position aérienne, le chasseur doit veiller à porter une tenue vestimentaire adéquate pour mettre toutes les chances de son côté. Au demeurant, les équipementiers proposent aujourd’hui une large gamme de vêtements camos adaptés à tous les biotopes et à toutes les saisons.
Où et quand ?
Il va sans dire qu’étant donné la position fixe de l’affût, son emplacement revêt un caractère crucial. En principe, le poste est monté à proximité du passage des sangliers et des cultures agricoles exposées aux dégâts. On attachera un intérêt tout particulier à des lieux stratégiques comme les lisières des forêts proches des cultures sensibles, les bordures des zones de réserve et de sites naturels protégés, les clairières des grands massifs forestiers, mais aussi, a fortiori l’été, les points d’eau et les souilles. Est-il besoin de préciser qu’avant d’installer un mirador ou une chaise haute à demeure, il convient d’en faire la demande au propriétaire du territoire ? L’emplacement exact tiendra compte des sorties probables des animaux, en ayant préalablement repéré les coulées fréquentées, et en privilégiant un axe offrant le meilleur champ de vision possible. Afin de contrôler cette fréquentation, et pour qui ne souhaite pas investir dans des pièges photographiques, il existe des moyens relativement simples et peu coûteux. Il suffit par exemple de placer une baguette à une hauteur d’environ 50 cm dans le passage, ou encore d’en humidifier régulièrement le sol normalement sec en cette saison. Toujours dans le cadre du positionnement précis de l’affût, il convient de prendre en considération le vent dominant et de se placer bien sûr sous celui-ci. Quand l’environnement le permet, certains spécialistes de cette pratique, n’hésitent pas à construire deux postes opposés sur un même site, afin de ne pas être pris au dépourvu, le jour J, par la direction du vent. Enfin, pour ne pas laisser d’éventuelles traces olfactives, il est préférable que l’accès au poste ne coupe pas le passage probable des sangliers. Si tel est le cas, mieux vaut prévoir de s’y rendre plus tôt pour laisser le temps aux odeurs humaines de se dissiper.
Les meilleures périodes pour affûter le sanglier sont celles qui suivent les ensemencements, et bien évidemment le mois d’août qui, dans la plupart de nos régions, rime avec le stade laiteux du maïs. Aussi, est-il utile de se renseigner auprès des agriculteurs sur l’état d’avancement des céréales et les parcelles impactées. Bien qu’il soit opportuniste, et qu’il puisse manger ce qui l’intéresse dès lors que cela se présente à lui, le sanglier concentre néanmoins la plupart de son activité alimentaire sur la nuit. D’où l’intérêt de pratiquer l’affût aux toutes premières, ou aux toutes dernières heures de la journée. Pour autant, en été, lorsque les températures se font particulièrement élevées, il est possible de croiser, bien avant la nuit, des spécimens en quête d’une souille.
A pas de loup…
Vous êtes un inconditionnel de l’approche estivale du brocard, et souhaitez mettre votre expérience au profit de la régulation des sangliers ? Pourquoi pas. Sachez toutefois que l’exercice est plus difficile qu’il n’y paraît. Pour preuve, malgré l’importance des populations de suidés, nombreux sont les adeptes de chasses individuelles qui préfèrent se tourner vers l’affût ; cette pratique donnant indéniablement de meilleurs résultats pour cette espèce. Si pour approcher la bête noire, vous pouvez vous appuyer sur certains de vos acquis, il vous faut a contrario en oublier d’autres…Au risque de nous répéter, nous nous devons d’insister sur l’odorat particulièrement développé et l’ouïe excellente dont est doté le sanglier. D’aucuns prétendent qu’il possède à l’inverse une mauvaise vue. Certes, ce n’est pas son sens le plus aiguisé, mais il sait pour autant, à l’instar du chevreuil, détecter le moindre mouvement. Il est donc nécessaire d’évoluer à bon vent, silencieusement tout en restant le plus dissimulé possible.
Rien de bien nouveau par rapport à la chasse du brocard, nous direz-vous. La différence majeure, et les difficultés qui en résultent, résident en fait dans la nature du biotope que vous allez devoir explorer en cette saison. L’approche estivale en plaine, autour des cultures et des prairies, ne donne souvent pas les résultats escomptés. Etant donné la sécheresse des sols, les chances de tomber, en juillet-août, sur une compagnie occupée à retourner une prairie en quête de vers sont minimes. La bête, ayant à disposition une nourriture qualitative et abondante, en l’occurrence le maïs, privilégiera une fois de plus ce milieu cultivé. Autant dire qu’il est quasiment impossible de l’y approcher. Tout au plus, si la chance vous sourit, peut-être croiserez-vous un individu ou un groupe sur le chemin du gagnage. C’est donc vers les bois qu’il va falloir vous rabattre pour maximiser vos chances d’entrer en contact avec le gibier convoité. Les secteurs forestiers à privilégier sont ceux situés à proximité des remises et des souilles. Il est par conséquent primordial d’avoir une connaissance parfaite du territoire et des hôtes qui l’habitent. Reste ensuite à éviter les nombreux pièges que dresse un tel biotope. A commencer par la visibilité souvent réduite à quelques mètres. Fouler les bois en période de sécheresse, en évitant le moindre craquement de branche ou de feuille, requiert par ailleurs une certaine habitude et beaucoup de patience ; tout comme contourner les nombreux obstacles présents sans jamais passer au vent. Petite astuce, pour repérer le gibier convoité et se guider plus facilement, n’hésitez pas à utiliser un casque électronique actif qui permet d’amplifier le moindre grommellement et le plus infime tressaillement de la végétation. Aussi envoûtante soit-elle, la chasse à l’approche du sanglier reste, vous l’aurez compris, l’une des plus délicates qui soient, les animaux étant d’autant plus vigilants dès lors qu’ils ont déjà échappé à des tirs d’affût ou de battue. Et, si elle ne contribue que pour une part minime au nombre de suidés prélevés chaque année, cette pratique appartient toutefois à l’arsenal règlementaire mis à disposition du chasseur-régulateur, et offre un plaisir incommensurable à ses adeptes.
Privilégiez en priorité les bêtes rousses
Que l’on évoque l’approche ou l’affût, l’intérêt premier des chasses individuelles réside dans la sélectivité du tir. Si pour les cervidés ces pratiques consistent à faire un prélèvement qualitatif en tirant soit un beau trophée, soit un animal déficient, il en va tout autrement pour les sangliers. Le choix se portera ici en priorité sur les bêtes rousses. D’aucuns s’offusqueront probablement de ces propos, en nous rappelant qu’il n’est aujourd’hui plus permis de donner de telles consignes, aux vues de l’explosion démographique de l’espèce. A cela, deux objections, la première étant d’ordre dissuasif. Le tir des bêtes rousses dans une compagnie s’apprêtant à commettre des dégâts est très vite assimilé par la laie meneuse qui, les jours suivants, rechignera à revenir avec sa progéniture. D’autre part, tirer une laie meneuse ne fait - des études l’ont prouvé - qu’aggraver la situation côté dommages aux cultures. Les femelles adultes assurent en effet le système matriarcal de la compagnie. En l’absence de celles-ci, les jeunes sujets se trouvent désemparés et ont fâcheuse tendance à commettre plus de déprédations, notamment sur des parcelles jusqu’alors épargnées.
Battues estivales, entendez-vous !
Que l’on évoque l’approche ou l’affût, l’intérêt premier des chasses individuelles réside dans la sélectivité du tir. Si pour les cervidés ces pratiques consistent à faire un prélèvement qualitatif en tirant soit un beau trophée, soit un animal déficient, il en va tout autrement pour les sangliers. Le choix se portera ici en priorité sur les bêtes rousses. D’aucuns s’offusqueront probablement de ces propos, en nous rappelant qu’il n’est aujourd’hui plus permis de donner de telles consignes, aux vues de l’explosion démographique de l’espèce. A cela, deux objections, la première étant d’ordre dissuasif. Le tir des bêtes rousses dans une compagnie s’apprêtant à commettre des dégâts est très vite assimilé par la laie meneuse qui, les jours suivants, rechignera à revenir avec sa progéniture. D’autre part, tirer une laie meneuse ne fait - des études l’ont prouvé - qu’aggraver la situation côté dommages aux cultures. Les femelles adultes assurent en effet le système matriarcal de la compagnie. En l’absence de celles-ci, les jeunes sujets se trouvent désemparés et ont fâcheuse tendance à commettre plus de déprédations, notamment sur des parcelles jusqu’alors épargnées.
Pour ou contre…
Nous l’évoquions en préambule, les battues estivales sont plus un outil dissuasif que de régulation à proprement parler. Du coup, certains argumentent le fait que ce mode de chasse ne fait que déplacer le problème, pis encore disperse les compagnies, et multiplie ainsi le nombre de territoires exposés aux dégâts. Difficile de trancher… Il reste néanmoins essentiel, et doit s’inscrire de façon complémentaire à l’approche et à l’affût sur les secteurs particulièrement impactés. Avouons, sans réserve, que ces chasses collectives, notamment celles d’avant récolte, ont aussi un impact psychologique sur le monde agricole qui se sent du coup rassuré quant à l’implication des chasseurs pour la protection des cultures.
Chasses individuelles, que dit la loi ?
Depuis le décret ministériel n°2002-190 datant du 13 février 2002, le tir d’été du sanglier sous forme de chasse individuelle, à l’approche ou à l’affût, est autorisé dès le 1er juin. A l’instar, de règlementation relative à l’espèce chevreuil, ces prélèvements s’effectuent par les détenteurs d’une autorisation préfectorale individuelle. Cette démarche s’entend comme une autorisation donnée au détenteur du droit de chasse sur un territoire déterminé. A charge pour ce dernier, sous couvert de l’administration, de tirer lui-même les animaux ou de les faire tirer par ses sociétaires ou ses invités. Cette autorisation préfectorale n’a toutefois aucun caractère pérenne et doit être renouvelée chaque année.